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Lors de la séance du conseil départemental du Lot du 13 novembre 2023, une motion a été adoptée concernant le RSA, revenu de solidarité active, présentée par Nelly Ginestet, vice-présidente du Département en charge de l’Action sociale, de la Protection de l’enfance et de la Lutte contre les exclusions.
Lors de son discours en ouverture de la séance, Serge Rigal, président du Département, a rappelé les enjeux : "cette motion vise à rétablir les faits sur la réalité de ce que vivent les bénéficiaires du RSA aujourd’hui et ce qu’est l’action du Département en matière d’insertion. La situation actuelle appelle à un sursaut en faveur des plus fragiles, non à les stigmatiser ou à restreindre leurs droits. Cette réforme, en supprimant le simple droit de bénéficier, grâce à la société, d’une seconde opportunité, n’est pas à la hauteur du défi de la dignité humaine, seul cap légitime pour une démocratie sociale du XXIème siècle".
Voici le texte de la motion :
Nous vivons une crise sociale majeure. Selon l’INSEE, neuf millions de personnes se trouvaient en « situation de privation matérielle et sociale » en 2022. Pourtant, malgré cette urgence à résoudre, le Gouvernement a décidé de faire la chasse aux pauvres, notamment en décidant de conditionner la solidarité nationale.
La mesure phare du projet de loi « pour le plein emploi » actuellement en discussion au Parlement vise en effet à conditionner le versement du Revenu de Solidarité Active à 15 heures d’activités hebdomadaires. Alors que cette allocation est un simple droit à la survie, une telle réforme irait à l’encontre des principes de notre République, définie comme « sociale » dès le premier article de la Constitution.
Par conséquent, l’assemblée départementale, réunie en session plénière le 13 novembre 2023, souhaite rétablir plusieurs faits.
1) La modernité d’une Nation s’évalue en fonction de son degré de solidarité
La solidarité est une condition nécessaire à la modernité d’une Nation et au respect de la dignité humaine.
Nous ne pouvons accepter l’instauration d’une conditionnalité supplémentaire des aides sociales. Le versement du RSA, dont le montant n’atteint que 607 euros mensuels, ne peut être légitimement soumis à la réalisation d’un minimum de 15 heures d’activités hebdomadaires. Ce serait oublier que nul n’est à l’abri d’un accident de parcours et que la solidarité n’est pas un luxe.
Le Gouvernement semble par ailleurs ignorer le mode de fonctionnement de notre système social. Les bénéficiaires des minimas sociaux disposent d’ores-et-déjà de droits et de devoirs. Au titre de ces devoirs, les allocataires du RSA doivent par exemple déclarer tous les trois mois leurs revenus, ils sont signataires d’un Contrat d’Engagements Réciproques, enfin, ils sont accompagnés dans la mise en œuvre d’actions de réinsertion.
Pour rappel, ces mécanismes de contrôle n’existent pas lorsque l’Etat verse des aides aux grands groupes contre la promesse de créations d’emplois alors qu’ils sont déjà opérants pour les personnes en difficultés.
En outre, certains bénéficiaires du RSA travaillent déjà. Dans le Lot, 23% sont des travailleurs indépendants !
Avec une telle réforme, demain, celui qui n’arriverait pas à effectuer 15 heures d’activités hebdomadaires serait condamné à la marginalité, une précarité plus grande encore et à l’exclusion, car plus aucune ressource ne lui serait versée.
Pour finir, imposer aux Départements de trouver aux allocataires du RSA 15 heures d’activités par semaine sans moyens financiers ou humains supplémentaires pour réaliser cette mission est une illusion totale.
Dans le Département du Lot, pour 4 000 bénéficiaires, il faudrait trouver 240 000 heures d’activités par mois sur le secteur non-marchand pour ne pas faire concurrence aux entreprises, et le coût net de cet accompagnement atteindrait les 5 millions d’euros !
2) Nous avons besoin de mesures ambitieuses de lutte contre la pauvreté et de justice sociale et fiscale
Plutôt que de stigmatiser les pauvres, nous appelons à des mesures ambitieuses pour lutter véritablement contre la pauvreté.
Une personne sur trois ayant droit au RSA n’en fait pas la demande : cette situation n’est pas acceptable. Avant de stigmatiser les allocataires de minima sociaux, nous demandons à ce que la représentation nationale concentre les moyens sur l’accès aux droits afin de limiter le non-recours.
Agir contre la pauvreté, c’est aussi renforcer les moyens des collectivités qui s’engagent avec efficacité pour donner une seconde chance à ceux qui éprouvent des difficultés passagères.
Accompagnement socio-professionnel d’une durée de 12 mois pour les personnes éloignées de l’emploi via la « Garantie d’activité départementale », aide à la garde d’enfants, soutien à la mobilité, psychologue, bilan de santé : dans le cadre du Plan Départemental d’Insertion 2023-2025, nous avons adopté de nombreux dispositifs en faveur de l’insertion sociale et professionnelle.
Ce travail porte ses fruits. Dans le Lot, un tiers des bénéficiaires sortent du dispositif RSA chaque année !
Ce résultat n’est cependant possible que si la Nation s’en donne les moyens ! Ils existent. Trop l’oublient : la fraude fiscale coûte chaque année au budget de l’Etat 80 milliards d’euros, soit le budget de tous les Départements de France réunis !
En s’attaquant véritablement à ce fléau qui ronge le pacte républicain, l’Etat pourrait doubler les moyens des Départements et engager une réelle politique d’éradication de la pauvreté.
3) L’inclusion est aussi au service du tissu économique
La France a besoin de chacun pour avancer, progresser, le monde économique y compris. Il s’agit de travailler sur l’intégration dans la société et le monde professionnel du plus grand nombre à travers de propositions politiques et non des postures clivantes et contreproductives.
La formation, l’insertion sociale et professionnelle, les contrats aidés sont des outils efficaces. La stigmatisation et la précarisation des plus faibles, n’aideront pas le tissu économique, bien au contraire. Si nous voulons faire société, nous devons préférer la collaboration de tous les acteurs de l’emploi à la démagogie.
« Il n’est pas digne de notre passé, ni concevable pour notre avenir que tant de gens survivent dans la misère et se voient rejeter aux franges d’une société qui les frappe d’exclusion sans appel. »
C’est en ces termes que s’exprimait Michel Rocard, Premier Ministre, en 1988 lors de sa présentation du Revenu Minimum d’Insertion (RMI).
Alors que la situation dramatique actuelle appelle à un sursaut républicain en faveur des plus fragiles, cette réforme, en supprimant le droit d’avoir une deuxième chance à la suite d’un accident de parcours, n’est pas à la hauteur du défi de la dignité humaine, seul horizon légitime d’une démocratie sociale du XXIème siècle.
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